Cafés

CAFES

pousser une porte, rentrer quelque part où on n'est pas complétement anonyme, demander un café au garçon qui s'appelle Louis ou Gérard et s'asseoir pour un temps indéterminé. Regard vers la télé du Rapido, se confronter au hasard avec des chiffres qui sont  autant d'anniversaires de gens aimés. En même temps prendre un journal pour lire les dernières nouvelles de ce monde malade.
Les gros titres suffisent. Aujourd'hui grippe aviaire, chomage, Saint Valentin.Heureusement que l'amour existe et existera toujours. Pauvre Louis qui me raconte juste aujourd'hui que sa femme l'a quitté il y a un mois pour vivre avec le mari de sa soeur. Histoire de famille donc.
A ma gauche, un vieux beau insupportable qui raconte une histoire de route, dans le déroutage de ses vacances en Corse. Petit regret pour moi qui ne connais pas ces sentiers du bonheur.
Et l'heure tourne. Je n'ai rien perdu au Rapido rien gagné non plus. Mon café est toujours là trop amer pour être bu.Deux mégots se croisent dans le cendrier, avec la trace de mon rouge à lèvres.
il y a une télé que j'entends mais que je ne peux voir là où je me suis placée. Il y a aussi une vieille dame qui vient me saluer. Elle a un col de fourrures, et un chignon à boucles.Avant c'était le sosie de Brigitte Bardot. Et puis vient l'heure de quitter cette parenthése, ces rumeurs légères des Autres qu'on ne voit pas, ces humains  de solitude dupliquée. Je quitte l'endroit sans regrets, mais contente de dire encore comme tous les jours à demain.